Comment expliquer, au vu des moyens financiers déployés et des performances techniques réalisées, que tout ce qui touche au système de jeu des RPG demeure inconfortable et inintéressant ?
L'on ne me fera pas accepter que les créateurs, qui déploient tant de génie dans les autres domaines, n'ont pas la capacité de concevoir un gameplay à la hauteur du reste ; non, la vérité est ailleurs.
On peut distinguer deux concepts qui, à n'en pas douter, sont à la base de ce qui rend le RPG (pourtant ludiquement nul) aussi prenant.
- D'une part, l'attraction-répulsion congratulatoire. Le RPGiste est perpétuellement confronté à des situations fondamentalement désagréables assimilables à des complexes. On relèvera notamment : le sentiment d'impuissance face à la répétitivité des techniques gagnantes, la frustration envers la lenteur voulue des animations de combat (qui se manifeste par une masturbation rageuse du bouton d'action), ou encore l'application mot pour mot de la fable "l'Avare et ses pommes" vis-à-vis de son inventaire. L'inconscient du joueur assimile alors toute cette frustration accumulée au plaisir mérité de la progression, que l'on retrouve dans certains jeux d'action à la difficulté poussée. A cela près qu'il n'est ici nulle question de mérite, mais de soumission passive ; car aucune qualité (timing, précision, stratégie) n'entre véritablement en jeu (ou si peu). Par l'intermédiaire de ce processus, le RPG introduit un mérite accessible à tous, capable de gratifier tout type de public, indépendamment de son talent de jeu véritable.
- D'autre part, l'abrutissement euphorique. Les systèmes de jeu des RPG ont été étudiés de façon à ce que le joueur soit forcé, à un moment ou à un autre, de céder à une politique de bourrinnage (toute tentative d'innovation stratégique étant systématiquement réprimandée). La richesse apparente du gameplay n'a pour but que de donner bonne conscience au joueur de RPG : car si elle était réduite à ce qu'il en exploite, il se ferait honte à lui-même en s'adonnant à sa passion. L'abrutissement (conséquence logique du bourrinage) anesthésie toute volonté d'exploitation de ces richesses factices et entraîne une acceptation de ce mode de jeu, comparable à l'acceptation du tabac. A long terme, le joueur finit par s'accoutumer à cette "saine" répétitivité : qu'il est reposant de n'avoir à fournir aucun effort intellectuel pour progresser, à plus forte raison si toute volonté d'expression ludique est anéantie. Si de surcroît cette matrice est assez habile pour maintenir l'illusion de jouer, le joueur devient fatalement dépendant du RPG et le perçoit comme plus prenant que n'importe quel autre type de "jeu".
Cette théorie pourrait expliquer, entre autre, le peu d'engouement que la plupart des RPGistes chevronnés ont éprouvé en jouant à FFX : ce dernier possédant un système de jeu d'un intérêt largement supérieur à celui de ses prédécesseurs, il réduit les phénomène d'attraction-répulsion et d'abrutissement à leur plus simple expression. Par conséquent, les joueurs ont eu l'impression de vivre une aventure fade et sans implication véritable, celle-ci n'entraînant qu'une "dépendance" minimale. Les concepteurs ont très certainement voulu tester la persistance de ce phénomène, voie dans laquelle ils ont été confortés. C'est d'ailleurs pourquoi ils ont restauré et optimisé la médiocrité ludique originelle dans l'opus suivant, FFX-2.
A cela, j'ajouterai ce que l'on pourrait qualifier de "syndrôme du maker" : ces systèmes sont en fait volontairement grossiers et imparfaits pour permettre au joueur ambitieux de fantasmer les mille-et-une customisations dont *il* pourrait être l'auteur (customisation parfaitement évidentes et élémentaires - mais ça, le joueur naïf ne s'en doute pas). Car est-il chose plus frustrante qu'un concept parfait, qui vous ôte d'entrée tout espoir d'y apporter votre pierre ?
Moultes analyses psychanalitiques sont encore possible. Déblatérez.
Je ne me fais pas d'illusions concernant le succès qu'aura ce sujet, j'avais simplement envie de le lancer.