Voilà le début du chapitre 1 . Je mais le debut parce que je n'ai pas terminer avant longtemps la suite du chapitre .
Quand chantera l’oiseau Quetzal
Chapitre 1
San Luis de Jataté
_Ah, ce sont de vilaines histoires, Señorito !
D’un geste machinal, l’homme essuie pour la vingtième fois le comptoir crasseux. Il est obèse, et José entend sa respiration légèrement suffocante siffler entre chaque phrase :
_ … de vilaines histoires !
Dans cette atmosphère d’étuve, la chaleur tropicale pèse, accablante comme une fièvre .A par l’aubergiste, la petite salle de cantina est déserte. De grosses mouches volent lourdement; l’une d’elles est tombée dans le verre de boisson gazeuse où elle se débat. José l’en retire avec dégoût et laisse son regard errer sur la minuscule plaza, écrasée d’une lumière violente. San Luis ! Trois ou quatre bâtiments couverts de tôle ondulée, une centaine de cases indigènes, une grande clairières arrachée à la forêt et, plus loin, les collines où s’étagent les ruines mayas dont la découverte a fait la prospérité du village .
Le jeune garçon se sent la tête étrangement vide. Tout a été trop rapide : ce voyage, ces événement du Guatemala, l’arrivé dans cet endroit sordide dont il ignore tout, Saint-Orel qui n’était pas là pour le recevoir… Et cet aubergiste avec ses histoires inquiétantes :
_ … On a retrouvé des traces de sang au temple du Soleil !
L’antique religion des Mayas ! Les dieux à faces de reptiles qui exigeaient des sacrifices humains ! Le cœur palpitant extrait de la poitrine des victimes ! … Oui, José, a eu le temps d’apprendre tout cela.
_Mais ces coutumes n’existent plus !
_On ne sait pas , Señorito… On ne sait pas !
La sueur luit sur le visage de l’homme. José, excédé, finit par lancer :
_Pourquoi me racontez-vous tout ça ?
_Mais…mais Señorito, pour rien ! Pour parler, Señorito
_Montrez-moi ma chambre !
Sa chambre ! A quoi doit-il s’attendre ? La baraque porte à l’extérieur l’enseigne pompeuse d’Hôtel Gregorio, mais si l’humour conserve quelque droit dans ce pays sauvage, ce ne peut être que par dérision .
Le gros Grégorio, sans paraître remarquer l’intonation du jeune Français, se prodigue en courbettes :
_Par ici!… Si le Señorito veut bien me suivre…
Le bâtiment des chambres est un vaste hangar que des cloisons à mi-hauteur divisent en compartiments, à la manière des stalles d’une écurie. La chaleur, irradiée par le toit de tôle, est infernal.
_Le Señorito peut choisir. En cette saison, les touristes dédaignent San Luis.
José pousse une au hasard et congédie l’aubergiste. Le réduit est étroit, étouffant, misérablement meublé. Le garçon, comme mû par une impulsion longtemps contenue, se jette à plat ventre sur l’étroit lit de sangle et, la tête entre ses bras, se met à sangloter silencieusement.
Une immense détresse l’a envahi. Il se sent seul, subitement abandonné à l’hostilité des gens et des choses; et, comme il arrive dans toute souffrance, il aimerait trouver une cause facile à maudire ! Pourquoi son père l’a-t-il envoyé dans cet endroit infâme, à des centaines de kilomètres de toute ville importante, seul à quatorze ans et demi, seul pour des moi peut-être?
M.Fontanier avait toujours été un père lointain. Par ses absences, d’abord : un métier d’ingénieur dans une Compagnie de constructions électriques qui l’obligeait à de longs déplacement à l’étranger. Mais, même pendant ses séjours à Paris, il semblait qu’une gêne tenace, qu’un voile importun et indécelable vinssent empêcher entre eux cette communion parfaite dont au fond de leur cœur ils conservaient tous deux la même soif. Ainsi, pour ce voyage, il s’était contenté de lui dire un jour, entre deux bouchées :
_Van Daar m’envoie installer des entrepôts frigorifiques au Guatemala. Tu viendras m’y rejoindre en juillet pour tes vacances.
Il avait ajouté, impénétrable :
_Ca te fera du bien.
José se relève sur un coude, un peu apaisé. Son visage ruisselle de sueur et de larmes mêlées. Une buée chaude lui empoisse le corps et colle à ses vêtements. Il ne doit pas être beau! Machinalement, il va à la table de toilette et se met en devoir de verser le contenu d’un broc dans la cuvette de fer émaillé. Un cancrelat s’enfuit; deux autres, énormes, gisent le ventre en l’air, noyés dans l’eau tiède.
José se dévêt, s’asperge de son mieux et cherche du linge frais.
« _Ca te fera du bien! » Pourquoi se hérisse-t-il au souvenir de cette phrases sont ainsi : une fois qu’elles vous ont échappé, on ne sait comment elles cheminent, et souvent, lorsqu’elles vous reviennent, on ne les reconnaît plus; celles qu’on a voulu le plus charger d’intérêt, d’affection, prennent quand il fait chaud, qu’on est seul, qu’on a de la peine et que la route s’allonge, je ne sais quelle allure de brimade.
José se persuade qu’à la place de M.Fontanier, il ne pourrait être que déçu par ce grand garçon poussé trop vite, timide, facilement effarouché, rougissant pour un rien, et à qui un léger défaut de prononciation (son « cheveu sur la langue » ) achevait de donner un air irrémédiablement puéril.
Ce cheveu sur la langue! Que n’aurait-il donné pour en être délivré, comme de tout son cortège d’humiliations! « Zozé! Zozo-la-quille! Zoli comme une fille!… » étaient les sarcasmes habituels de ses camarades de classe et de jeu. Il leur devait son habitude de parler le moins possible, et aussi sa crainte des interrogation qui, au Lycée, déconcertait si souvent ses professeurs. Bien qu’il fût bon élève, il se sentait paralysé par les quarante paires d’yeux malicieux accrochés à ses lèvres. Tel ce jour où la réponse à une question de géographie était « Mississipi » : les quatre syllabes lui tournaient follement en tête, mais rien au monde n’aurait pu le décider à les prononcer. Il avait encaissé la mauvaise note.
José soupire. Ouf! Un peu d’eau, même assaisonnée de cancrelats, fait toujours du bien!… Il va à la petite fenêtre et soulève le châssis grillagé : une touffeur moite vient de là, chargée de lourds parfums végétaux. Sous le ciel soudainement ennuagé, l’air pèse, noir d’orage.
Le premier coup de tonnerre trouve le garçon, assis sur le lit, sa valise sur les genoux, écrivant :
San Luis le 15 juillet 19...
Mon cher papa,
Quelques mots pour te dire ma bonne arrivée à San Luis. Le voyage dans le petit avion rouge s’est bien passé, mais M.Saint-Orel ne se trouvait pas à l’arrivée. Il est en expédition dans la forêt, et personne n’a pu me dire quand il reviendrait. Heureusement, j’ai trouvé à l’aérodrome (quel grand mot pour désigner ce mauvais champs, sans même un hangar! ) un planteur des environs qui m’a amené à San Luis en jeep .
En attendant l’arrivée de M.Sait-Orel, je suis logé à l’hôtel Gregorio où tu peux m’écrire.
J’espère que les événements du Guatemala vont se calmer et ne t’empêcheront pas de recevoir cette lettre.
Je t’embrasse affectueusement…